

Un petit mot sur le Chiendent commun
Le Chiendent est vraiment mal aimé, encore plus que l’Ortie et pourtant comme elle c’est une plante médicinale très efficace.
Sous la dénomination de chiendent se cachent en fait deux plantes qui diffèrent par la taille de leurs chaumes et l’apparence de leurs épis. Ces deux espèces sont des « herbes« vivaces de la famille des Poacées (autrefois nommées Graminées). Elles ont en commun un système racinaire impressionnant tant par leur vigueur et capacité de colonisation que par les vertus médicinales qu’elles renferment.
Chaque pied de chiendent développe en effet une grande quantité de tiges souterraines, le « rhizome« , qui peut s’étendre sur 1 m de longueur. Celui-ci s’enracine au fur et à mesure de la croissance. La plante forme un réseau dense dans le sol. Cette capacité colonisatrice a pourtant des avantages: le chiendent permet de lutter contre l’érosion des sols. Et, plus communément, il compose spontanément, un gazon épais, rustique et sain, qui supporte parfaitement le piétinement. Il est détesté par les agriculteurs et jardiniers.
Le chiendent a également d’autres usages. Il servait au XIXème siècle à confectionner des brosses que l’on trouve toujours commercialisées aujourd’hui (même si d’autres fibres végétales ont remplacé celles des rhizomes de chiendents). La plante sauvage a servi également de fourrage, notamment pour les moutons. Ses racines étaient aussi données aux chevaux, comme de l’avoine (c’est-à-dire à raison de 2 à 3 kg fournis le matin et le soir) et avaient la réputation de rendre le poil de ses animaux brillant et lustré.
Spontané et poussant communément dans diverses zones du globe, le chiendent est connu et utilisé depuis la nuit des temps. Il s’agit ainsi d’une plante sacrée en Inde où il sert d’offrande à Ganesh, le dieu de la Sagesse (représenté comme un éléphant à 4 bras). Le « durva » fait d’ailleurs partie de la médecine ayurvédique où la plante est, entre autres vantée pour son goût sucré qui « rafraîchit le corps quand il a le feu ».
Depuis fort longtemps (les Gaulois le vénéraient), on attribue au chiendent de nombreux pouvoirs magiques. Il posséderait ainsi des pouvoirs de désenvoûtement: son infusion aspergée dans un lieu le débarrasserait des mauvaises influences. Ce qui est en lien avec le symbolisme que l’on attribuait à la plante: le chiendent donnerait l’occasion d’accroître ses forces psychiques, en les purifiant et en les libérant par l’épreuve de la douleur. Bien plus léger et anecdotique, garder sur soi un brin de chiendent, permettrait de renouveler à volonté les amant(e)s.
Il fait pourtant le bonheur des phytothérapeutes. Les rhizomes de ce végétal sont en effet riches, entre autres, en amidon, en sels de potassium, en triticines… Autant de substances qui lui confèrent des propriétés dépuratives, émolliente et diurétiques. Les analyses ont également montré que le chiendent possède une huile essentielle à agropyrène douée de vertus antibiotiques et antibactériennes. Par ailleurs, comme ces racines contiennent quelques glucides, elles composent une tisane légèrement sucrée fort rafraîchissante. Les Grecs le recommandaient également pour ses vertus diurétiques. Dioscoride le prescrivait ainsi pour éliminer les calculs urinaires. Au fil du temps, le chiendent a été prisé pour lutter contre la fièvre et la goutte. Au XIXème siècle il était le remède miracle « pour renouveler l’organisme« . Aujourd’hui encore, il entre dans la composition de divers médicaments traitant les inflammations rénales, les rhumatismes, les troubles de la vésicule biliaire et de l’intestin.
Usages culinaires
La racine de chiendent, fraîche comme sèche, est comestible. La plante a autrefois fait partie des plantes de « disette »: les racines séchées et broyées se mêlaient à la farine pour composer des « pains de famine » tandis que, hachées et grillées, elles composaient un ersatz de café. Il était parfois utilisé pour confectionner un alcool dont la recette s’est perdue, mais qui était réputé pour sa qualité. On dispose toutefois encore de la recette de la bière de chiendent, reproduite ci-dessous:
Bière de chiendent
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1 kg de rhizome de chiendent lavés et hachés
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200 g de baie de genièvre
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12 g de levure de bière
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400 g de sucre
Disposez les rhizomes sur un plateau. Arrosez-les d’un peu d’eau tiède, sans les recouvrir (juste pour les maintenir humides). Au bout de quelques jours, des pousses blanches apparaissent sur les fragments de chiendent. Lorsqu’elles font environ 1 cm de hauteur, versez les plantes dans un baril en bois (ou un seau en plastique d’une contenance de 10 L) avec le genièvre, la levure et le sucre. Arrosez avec 1,4 L d’eau chaude et remuez bien. Le lendemain, ajoutez encore 1,4 L d’eau chaude en remuant puis, 3 jours plus tard, de nouveau 1,6 L d’eau. Fermez alors le récipient avec un couvercle doté d’un trou d’aération et laissez reposer une semaine. Soutirez alors la bière qui est consommable (et prête à être embouteillée), 2 jours plus tard.